serenottelo

from : "Je t'aime Albert"

« Après le petit déjeuner, on a fait une balade. Le patelin se résumait 

A cinq ou six pâtés de maisons. Tout le monde avait dix-sept ans. Ils restaient assis,

apathiques, attendant quelque chose. Pas tous. Il y avait quelques touristes, des vieux,

bien décidés à se payer du bon temps. Ils scrutaient les vitrines d’un air féroce et

marchaient, badauds sur les trottoirs envoyant leur message : j’ai de l’argent,

nous avons de l’argent, nous avons davantage d’argent que vous, nous sommes

mieux que vous, rien ne peut nous déranger ; tout est de la merde, mais nous 

ne sommes pas de la merde et nous savons tout, regardez-nous.

En chemises roses, en chemises vertes, en chemises bleues ; avec leurs gros corps

blancs putrescents, leurs maillots de bains rayés, leurs yeux sans regard, leurs

bouches sans expression, ils se baladaient, horde multicolore, comme si la couleur 

pouvait réveiller les morts, les ressusciter. Un vrai carnaval de la pourriture

américaine en goguette, et ils n’avaient pas la moindre idée des atrocités

qu’ils s’étaient infligées à eux-mêmes. »

« Au Sud de Nulle-part » 

                                                                  Charles Bukowski